Trois mois de voyage dans le pays basque, par Lucien Louis-Lande (1877)

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De lointains souvenirs de richesse et de gloire, un nom illustre dans les vieilles chroniques, les tronçons épars d’une ancienne enceinte ; au centre, une grande place entourée d’arcades, dix rues y convergeant disposées en étoile, des palais déserts ; comme monument, une église gothique sombre, humide et froide autant qu’un tombeau, adossée au mur d’enceinte dont elle faisait partie autrefois avec son promenoir extérieur, ses meurtrières et ses créneaux, — telle est Orduña, une ville morte. Sentinelle avancée du Señorio, longtemps elle eut l’honneur de repousser les attaques incessantes des envahisseurs ; mais la fondation de Bilbao devait lui être fatale : plusieurs incendies désastreux, comme ceux qui éclataient dans les villes du moyen âge, précipitèrent sa décadence. Après la guerre de 1833, au mépris des fueros, la ligne des douanes fut reculée jusqu’à la frontière, même le commerce de transit, qui se faisait encore par le chemin royal, disparut lors de la construction de la voie ferrée de Tudela à Bilbao : ce fut pour Orduña le dernier coup. L’antique cité repose au fond d’un cirque immense, et les cimes qui l’entourent sont si élevées, leurs flancs si abrupts, que le train pour l’atteindre est obligé de faire vers la gauche un grand détour de 15 kilomètres. Au-delà d’Orduña, la voie continue à descendre presque en ligne droite, à travers des champs divisés par des haies vives de rosiers sauvages et de mûriers en fleurs ; puis défilent au galop de la locomotive des villages fameux dans l’histoire de Vizcaye : Luyando, où se trouvait l’arbre Malato, limite extrême de la province ; Arrigorriága, témoin d’une grande victoire remportée au IIe siècle sur les Castillans. Des villas isolées pointent dans la campagne et révèlent le voisinage d’une grande ville ; par malheur beaucoup ont été pillées et incendiées : on reconnaît là les traces de l’armée carliste.

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